« Parmi les forces naturelles, il en est une, de laquelle le pouvoir reconnu de tout temps reste en tout temps mystérieux, et tout mêlé à l’homme : c’est la nuit ».
Louis Aragon, Le Paysan de Paris, 1926
Tel Alice, poursuivant son lapin blanc à travers le terrier ou cherchant une ouverture dans le tiroir d’un bureau à la manière de Jan Svankmajer, nous accédons au Pays des Merveilles, ce « vide » où la vie et les objets familiers se métamorphosent en étrangeté. C’est souvent dans l’ivresse nocturne, que la philosophe française Baldine Saint Girons décrit comme un espace flottant entre « les extrêmes du ciel et des enfers, du perceptible et de l’imperceptible », que l’artiste pluridisciplinaire Nicolas Hermann se transforme en alchimiste-magicien, conjurant les sens pour ouvrir la porte d’une réalité autre.
S’inspirant de la Divine Comédie de Dante et du Songe de Poliphile, Hermann part en quête de l’île de Cythère, qui rapidement se transfigure en L’Île des morts de Böcklin. Les visions s’entrelacent sous le prisme d’un romantisme noir, rappelant Le Cauchemar de Füssli, tandis que la question d’Edgar Allan Poe émerge des profondeurs : « Is all that we see or seem but a dream within a dream? ». La question libère l’esprit, et l’état convoqué, proche du somnambulisme, devient une échappatoire à la quotidienneté, illustrée dans Matrix par l’image familière du lapin blanc que Néo doit suivre.
Nicolas Hermann, à son tour, suit ce lapin jusqu’à Beaugency, où, grâce à la résidence Ardelim 2023-2024, il crée Les rêves ont-ils des titres ?, une installation in situ présentée à l’église Saint-Étienne de Beaugency. Le visiteur y pénètre dans l’obscurité et s’ouvre à l’invisible, prêtant attention à l’inaperçu et à l’étrangeté tapie dans l’ombre, se métamorphosant en personnage de roman gothique, tel un Melmoth errant. Parfois, il perçoit des « glitches », des défaillances de la perception, des paréidolies, et trouve l’inspiration dans des images vagues ou ambiguës qui l’entraînent dans les rêves. Dans cet autre monde, le temps est suspendu, aboli, mais trouve paradoxalement son expression dans cette absence : comme l’affirme Peter Kubelka, « c’est entre les images que le cinéma s’exprime », et cette philosophie infuse l’œuvre de Nicolas Hermann.
Face aux œuvres de Nicolas Hermann, le spectateur s’efface et renaît, retrouvant une existence transfigurée, désormais ancrée dans ses propres rêves.
Tirage pigmentaire sur papier Hahnemühle Fine Art Baryta 325g
Signé, titré, daté et numéroté au verso
30×40 cm (édition de 5+2 AP)
60×80 cm (édition de 3+2 AP)
Encadrement
Collage sur aluminium 1mm (espace de 5 mm tournant)
Caisse américaine en bois noire veinée